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dimanche du Pharisien et du Publicain
Archiprêtre Léonide Grilikhès
Homélie pour le dimanche du Pharisien et du Publicain C’est aujourd’hui le premier jour des trois semaines préparatoires qui nous rapprochent du Grand Carême. Et c’est aujourd’hui un jour particulier du cycle de l’année liturgique : nous ouvrons pour la première fois le livre du Triode de Carême, ce livre qui à partir d’aujourd’hui, nous conduira jusqu’à Pâques. Le Triode n’est pas seulement un recueil de textes destinés à être lus et chantés, ce livre est un trésor où puiser de recommandations, de mandements, d’exemples frappants, souvent paradoxaux, destinés à nous inspirer, nous soutenir, nous donner des forces dans notre cheminement de carême. La plupart de ces textes du Triode destinés au chant ont été composés au huitième et au neuvième siècle, et ils reflètent l’expérience ascétique de l’Église orthodoxe, l’expérience de perfectionnement du grand carême qui nous prépare à la solennité pascale. C’est une ascèse et une théologie formulées dans le langage des hymnes, et c’est la raison pour laquelle ce livre est d’une force et d’une acuité particulières. Nous commençons à lire le Triode, et il vaut d’entendre ses premières paroles, son premier appel. Que nous disent les premiers mots du Triode ? Voici ce qu’ils nous disent : « Frères, ne prions pas comme les pharisiens ! » Les toutes premières paroles nous disent que le temps du carême est un temps de prière. C’est fondamental: il faut apprendre à prier, il faut comprendre comment bien prier, parce que, comme nous le voyons, toutes les prières ne sont pas agréées et louées par Dieu. Et bien sûr nous comprenons que le Triode de Carême suit en cela l’Évangile, qu’il suit ce passage d’Évangile que nous avons entendu aujourd’hui. « Deux hommes montèrent au temple pour prier (remarquons bien que l’Évangile insiste sur le fait que la parabole qui est lue en ce dimanche parle précisément de la prière) : l’un était pharisien et l’autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : ‘ Seigneur, je te remercie de ce que je ne suis pas comme les autres hommes qui sont rapaces, injustes, adultères, ou comme ce publicain : je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus’ » (Lc 18,10-12). Le pharisien s’adresse à Dieu mais il oublie Dieu aussitôt et commence à parler de lui-même. Il est entré dans le temple pour prier, mais ce qui l’intéresse, ce n’est pas sa relation avec Dieu, mais bien comment il apparaît par opposition aux autres gens, non pas combien il s’est rapproché de Dieu, mais combien il s’est détaché des autres hommes. Il se tient devant le Créateur de l’Univers, devant Celui dont le Psalmiste s’écrie : « Que Tes œuvres sont grandes, Seigneur, combien profondes Tes pensées ! » (Ps 91,6), mais au lieu de louer la grandeur de Dieu, le pharisien se loue lui-même pour ses petites œuvres : je ne vole pas, je ne commets pas l’adultère, je jeûne deux fois la semaine, je m’acquitte scrupuleusement de la dîme. « Le publicain, qui se tenait à l’arrière, n’osait même pas lever les yeux vers le ciel, mais il se frappait la poitrine en disant : « Mon Dieu ! aie pitié du pécheur que je suis ! » (Lc 18,13). C’est-à-dire que n’ayant rien à faire valoir, il met toute son espérance dans la miséricorde de Dieu. Et voilà comment le Triode donne son sens à cette lecture évangélique : « Le pharisien vaincu par sa vanité et le publicain courbé de repentir, se présentèrent tous deux devant Toi, le Dieu unique : mais le premier, si fier de lui, fut privé de Tes biens, et l’autre, n’ayant rien dit, fut jugé digne de Tes dons… ». C’est-à-dire que le pharisien, en se vantant, a perdu les dons de Dieu, tandis que le publicain, sans rien dire, en a été rendu digne. Et ici nous pouvons dire que le Triode ne suit pas tout à fait précisément l’Évangile. Effectivement, dans la parabole évangélique nous voyons que le publicain prononce sa courte prière : « Mon Dieu ! aie pitié du pécheur que je suis ! », tandis que le Triode, s’écartant du texte évangélique, dit que le publicain ne dit rien. Mais il ne s’agit ici ni d’une imprécision ni d’un écart : ici le Triode—à sa manière propre et insolite pour nous—nous propose un mandement : il veut dire que la prière authentique nous mène au silence. La prière commence par la langue et finit par l’oreille, c’est-à-dire que l’on écoute. Car finalement, ce n’est pas ce que nous disons à Dieu qui est important, mais ce que nous entendrons, ce que Dieu va nous dire. Dans l’un des psaumes, David implore le Seigneur : ne sois pas sourd, ne reste pas silencieux, si Tu ne réponds pas, alors je suis semblable à ceux qui descendent dans la tombe (Ps 27,1). Or on ne peut entendre Dieu que dans le silence. Être silencieux, cela veut dire s’oublier soi-même, se tourner vers Dieu jusqu’à l’oubli de soi, en laissant de côté toutes ses vertus et même tous ses péchés, parce que l’un et l’autre ne sont qu’une goutte par rapport à l’océan de la miséricorde, de la sagesse et de l’amour de Dieu. Le pharisien propose à Dieu d’écouter son monologue et reste tout seul, tandis que le publicain ouvre par le repentir son oreille aux paroles de Dieu, pleines de miséricorde, de douceur et des « pensées les plus profondes » (Ps 91,6). Date de création : 07/02/2018 @ 19:11
Dernière modification : 07/02/2018 @ 19:12
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