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Prêche du publicain et du pharisien
Archiprêtre Leonid Grilikhès
Homélie pour le Dimanche du publicain et du pharisien
Une caractéristique remarquable de l'Évangile est que les évangélistes nous transmettent non seulement les paroles du Sauveur, mais également la réaction à celles-ci des personnes présentes, c’est-à-dire de Ses auditeurs.
Et cette réaction, comme on le voit, est très controversée. Certaines personnes étaient émerveillées, enthousiastes, rendaient grâces à Dieu, admiraient les merveilles, tandis que d'autres disaient: « Il blasphème, Il est possédé, Il est hors de lui. » Les uns se réjouissent, tandis que d’autres expriment leur indignation, la colère, le mécontentement. Étonnamment, cette réaction négative vient de gens autoritaires, responsables, qui ont l’habitude de peser chacun de leurs mots, de gens les plus sérieux et les plus respectables, de savants qui ont consacré leur vie entière à l'étude de l'Écriture - des pharisiens et des scribes. En effet, dans les paroles du Seigneur il y avait quelque chose qui révoltait et qui choquait les zélateurs de la piété, quelque chose qui minait, leur semblait-il, les fondements de leur justice séculaire. Et peut-être la plus sidérante, la plus incompréhensible de toutes les déclarations du Sauveur, était que Dieu aime les pécheurs. Ainsi le fait que « Dieu aime les pécheurs » ne pouvait vraiment pas rentrer dans la tête d'un Juif pieux. Il ne vient pas pour les justes, mais pour les pécheurs. Il vient pour chercher et sauver le pécheur, et même 99 justes - toute cette montagne d’impeccabilité - n'est rien comparée à un seul pécheur qui se repent. Les anges ne se réjouissent pas pour le juste digne de tous les éloges, mais pour le pécheur qui se repent. La grande joie dans les cieux.n’est pas pour le juste, mais pour le pécheur. Et ces justes dévots et pieux, qui, avec une rigueur pointilleuse, cherchent à accomplir toutes les prescriptions, petites et grandes, peuvent être identifiés à une engeance de vipères, ou à des sépulcres, ou à des fils du mensonge. Tout cela bien sûr était de la folie complète aux yeux des Pharisiens, comme si quelqu'un avait appelé le blanc - noir et le noir - blanc. Mais apparemment le Seigneur a considéré différemment la sainteté, « le juste » et « le pécheur »... Quand nous lisons l'Ancien Testament, nous sommes fascinés par le vif sentiment religieux, qui se dévoile dans les pages de ce livre, et bien sûr, en premier lieu, dans le livre des Psaumes. Et sans doute un des meilleurs, le plus merveilleux et le préféré est le Psaume 50: «Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde, et dans ton immense compassion, efface mes transgressions… » (Psaume 50:1). Au sommet de toute l’hymnographie de l'Ancien Testament on trouve l’hymne du repentir. L'homme, le roi David pleure son péché et l'ensemble du psaume apparaît comme tissé d'invocations, de prière et de pénitence : aie pitié, nettoie, lave, asperge, crée en moi un cœur pur et fortifie-moi par Ton Esprit, moi qui suis pécheur, né dans le péché, comment puis-je me justifier auprès de Toi . Nous ne pouvons pas dire que les Pharisiens ne prêtaient pas attention au problème du péché, au contraire ils l’ont étudié avec tout le soin et la minutie possibles. Mais ils ont substitué au sentiment religieux ardent une casuistique complexe et formelle dans sa globalité. Qu'est-ce que le péché? C’est une violation du commandement. Il importe donc de tenir une comptabilité stricte de tous les commandements. En recensant tous les commandements de la Torah, on en a trouvé 613. Ceux-ci sont divisés en catégories de « prescrits » et d’« interdits ». Les péchés se divisent en catégories : volontaires et involontaires, véniels, graves et mortels. Le plus important est de ne pas commettre ces derniers, car ceux-ci, contrairement aux autres, ne peuvent être compensés par des mérites. La notion de mérite est encore une autre manifestation de la casuistique pharisienne. De quoi sont faits ces mérites ? Il s'agit, d'une part, des mérites des pères, c'est à dire de saints anciens, dont les mérites se transmettent aux descendants en vertu de leur appartenance à leur famille. « Nous sommes issus de la famille d'Abraham, nous sommes les enfants d'Abraham» - ainsi parlaient les Juifs en exposant l’argument-massue pour se justifier. En signalant cet égarement, Jean-Baptiste s’adresse à eux: «Qui vous a suggéré que vous pourrez éviter la colère future ... et ne pensez pas dire en vous-mêmes, nous sommes les enfants d'Abraham »(Matthieu 3:7-8, Luc 3:7-8). Après les mérites des pères, suivent les mérites de ceux qui accomplissent les commandements. La tirelire des mérites se remplissait avec le respect du jeûne, la lecture des prières, les ablutions et avec le versement scrupuleux de la dîme - comme vous le savez, les pharisiens la versaient même pour les épices. Ces mérites, à l’instar d’un capital, sont conservés dans les cieux, et il importe qu’au dernier jour, au jour du Jugement Dernier, la balance penche du côté des mérites plutôt que des péchés. Et qu’il serait jugé selon cette méthode, bien sûr aucun pharisien ne mettait cela en doute. Dans l'Evangile d'aujourd'hui, nous voyons comme le pharisien entre avec assurance au temple, il va se mettre à sa place et commence à prier, mais toute sa prière n'est finalement rien d’autre qu'une énumération de mérites: «Merci, mon Dieu, car je ne suis pas comme les autres hommes ... je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède... » (Luc 18:11-12) Mais combien peu cette prière ressemble à l'antique Psaume, à la prière de repentance de David. Et ce n'est pas du tout une prière, c'est une sorte de compte rendu de ses vertus, une liste des bonnes actions. On n'y trouve même pas une once de repentir. Et cela se comprend, car il n’y a pas de raison de se repentir : toutes les relations avec Dieu sont claires depuis longtemps, tous les comptes ont été soldés, et selon ces comptes il s’avère que lui, - le Pharisien – est digne de la part des bienheureux, de la meilleure part ici-bas et dans le monde à venir. La seule chose qui reste à faire... c’est de convaincre de cela les gens qui les entourent. Les voilà qui prennent des poses pour prier aux carrefours, qu’ils aiment faire bien larges les phylactères [Mt 23,5] de leurs vêtements, qu’ils aiment occuper des postes de présidence, etc... Ainsi, la prière et le jeûne, et toutes les autres vertus dépourvues de relation personnelle et vivante avec Dieu, sans repentir, sans humilité, deviennent une hypocrisie pure et simple. L’hypocrite lève les bras, mais n’atteint pas le Saint. L’hypocrite lève les yeux, mais ne voit pas le Très Haut. L’hypocrite loue le Créateur de toute chair, et Le remercie de ne pas être comme les autres. L’hypocrite jeûne, la mine sombre, il s'abstient de pain, mais le carême ne le rapproche pas de Dieu, car en se privant d’aliments, il ouvre son cœur pour qu’on l’en loue. L’hypocrite déduit la dîme même de la menthe, du cumin et de l'anis, mais, en retirant le moustique, c'est à dire l’offrande du jardin, il ne remarque même pas qu’il avale un chameau – c’est-à-dire la fatuité et la négligence du prochain. Qui sont ces prochains? Ils sont tous voleurs, offenseurs, adultères, et l’hypocrite remercie Dieu de ce qu'il n'est pas comme les autres. Oui, l’hypocrite, tu n'es vraiment pas comme les autres: sache, que ceux-ci peuvent tous se repentir de leurs péchés, mais comment te repentir, toi, de ta «vertu». L’hypocrite prend les clés du Royaume, et non seulement n’y rentre pas lui-même mais il ne donne pas accès aux autres. Et vraiment celui pour qui le salut est déjà hors de portée, à qui la casuistique de fer des docteurs de la loi juifs a fermé hermétiquement la porte du repentir – c’est bien le publicain. En effectuant la collecte de l’impôt au bénéfice des Romains, les publicains (à savoir : les collecteurs d'impôts), ils avaient de belles occasions de s'enrichir aux dépens des contribuables, et ont probablement souvent outrepassé leurs pouvoirs ce à quoi s’opposait Jean-Baptiste, «N'exigez rien au-delà de ce qui vous est prescrit » (Luc 3:13) – dit-il aux publicains venus à lui. Pour se repentir et rétablir la justice, le publicain devait réparer tout le dommage causé. Rappelez-vous comment s'exclame Zachée en reconnaissant le Christ: «si j'ai volé quelqu’un, je lui en restituerai le quadruple" (Luc 19:8). Et comment ferais-tu – pourrait lui rétorquer le juriste-Pharisien – serais-tu en mesure de te souvenir de tous ceux à qui tu as porté préjudice? Et même si tu t’en souvenais, comment les retrouver? Comment rembourser la dette à ceux qui ne sont plus, à ceux déjà morts? Il s'avère donc que les péchés du publicain ne peuvent être rachetés, et la stricte casuistique juridique des Pharisiens ne lui laisse pas la moindre issue pour être sauvé. Vous diriez qu’il reste encore au publicain des mérites de leurs pères, mais à lui - traître et parasite de l’administration romaine, en contact avec les païens - les pharisiens lui refusaient même cela. Que peut encore espérer le publicain? Il ne peut espérer qu’en Dieu seul, en le Dieu qui a dit: «Mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies» (Esaïe 55:8). Espérer en Dieu, dont David parle en affirmant que la miséricorde du Seigneur emplit la terre (Ps 32:5). Sa miséricorde monte jusqu’aux Cieux (Ps 35:6). Sa miséricorde est éternelle (Ps 137:8). Et le publicain, par la grande miséricorde de Dieu, entre dans Sa maison, et se tenant à l'entrée et n'osant lever les yeux, se frappe la poitrine et prie, "Dieu! sois miséricordieux envers moi, pécheur "(Luc 18:13). Et lequel de ces deux est le plus proche du Royaume de Dieu - un pharisien ou un publicain? Celui qui a obéi à la loi, ou celui qui a fait le mal? Celui qui a jeûné et a fait son offrande au temple, ou celui qui a dépouillé les veuves et les orphelins? Celui qui s’est penché sur l'Écriture ou celui qui a scruté les reconnaissances de dettes? Celui qui s’est lavé et a observé la pureté rituelle, ou celui qui s’est souillé au contact des païens? Le patriote ou le traître? Le pharisien qui s’est enorgueilli par sa justice, ou le publicain qui s’est frappé la poitrine et qui humblement a demandé pardon? «Quiconque s'élèvera sera abaissé, et quiconque s'abaissera sera élevé» (Matthieu 18:14) - conclut le Seigneur, et, se tournant vers ses disciples, Il dit que le publicain « entre dans Sa maison bien plus justifié que l'autre», c'est-à-dire que le pharisien (Matthieu 18:14). Car le pharisien, par son "impeccabilité", s’est éloigné de Dieu, tandis que le publicain par sa dépravation sans issue s’est rapproché de Lui et a demandé le pardon avec un profond repentir. Aie pitié, nettoie, lave, asperge, Crée en moi un cœur, tissé par la rosée De Ta grâce et de la beauté supraterrestre - Le Souffle de l'Esprit. Crée en moi Un cœur pur, ô mon Dieu - une couronne de pureté. Par l’Esprit droit de Ton indestructible amour Crée en moi un cœur. Alors je chanterai Au rythme du chant, plus doucement Ta grandeur, De laquelle, je t'en prie, donne-moi la rosée De Ta grâce. Et ma misère Et mon péché, et la honte, et ma folie Emporte-les, éloigne-les, emmène-les bien loin. Que le jour les ignore. Que la nuit les oublie. Que l’obscurité les recouvre. Que le tourbillon les emporte. Qu’ils n’apparaissent pas à ma droite. Qu’entre eux et moi, se dresse un mur Que se tourne vers leurs têtes la flèche, Celle pointée vers mon cœur. Que celle-ci, Réfléchissant la lumière de Ta pureté, Transperce la tête des ténèbres. Tu es mon Dieu, Toi seul, Pourrais renouveler en moi mon cœur. Comment implorer - Apprends-le moi – comment appeler, comment crier, comment hurler, Comment puis-je d'en haut recevoir Ta miséricorde? Tu es mon Dieu, Toi seul: que puis-je faire? ... Conçu dans l'iniquité – Toi-même pardonne-moi! Né dans le péché – blanchis-moi jusqu’au blanc! Toi-même prends pitié, nettoie, lave, asperge, Apparais Toi-même dans mon cœur, et Toi-même fais y venir La Lumière de l'amour. Date de création : 04/03/2013 @ 06:04
Dernière modification : 24/03/2014 @ 09:25
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